الجمعة، كانون الثاني ٢٤، ٢٠١٤

Santé publique : mort sur ordonnance\ Par Khodor Awarki

Publié le : 1/10/11
La RoyalCanadian Mounted Police (RCMP) est à la fois la police fédérale du Canada et la police provinciale de la plupart des provinces canadiennes. Ses champs d’action englobent également le crime organisé sur le plan international. Depuis 2009, elle enquête sur un réseau de médicaments contrefaits commercialisés et distribués sur une vaste échelle au Proche-Orient. Un réseau dirigé par un Canadien d’origine palestinienne a ainsi été localisé, démantelé et traîné devant la justice grâce à une étroite collaboration entre le groupe pharmaceutique franco-allemand Sanofi-Aventis et la Syrie.
L’histoire remonte à 2008, quand le groupe Sanofi-Aventis, numéro un européen de la pharmacie, a inauguré le Laboratoire central anti-contrefaçon pour lutter contre la reproduction illicite de médicaments, « un fléau de santé publique qui prolifère très rapidement ».
En 2009, Jacques Franquet, ex-directeur de la police judiciaire et préfet, devenu le « monsieur sûreté » du groupe franco-allemand, sollicite la collaboration des principaux services de lutte contre cette calamité au Proche-Orient. Pour diverses raisons, c’est la collaboration avec les services syriens de lutte contre la contrefaçon et le terrorisme, dirigés par le colonel Hafez Maklouf, qui sera la plus efficace pour mettre hors d’état de nuire les réseaux. Il faut dire que la contrefaçon de médicaments est tout sauf marginale. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle représentait déjà, en 2006, un peu plus de 10 % du marché pharmaceutique mondial, soit environ 45 milliards d’euros. Sur un marché qui doublerait chaque année, notamment en raison de l’explosion de l’offre de produits contrefaits sur Internet, Viagra en tête, tous les médicaments sont désormais concernés, de l’aspirine aux anticancéreux les plus sophistiqués.
La Syrie, elle, est dotée d’une importante industrie pharmaceutique qui couvre 91 % de ses besoins locaux, les 9 % restants étant importés et concernant essentiellement des vaccins et anticancéreux qui nécessitent de hautes technologies et d’expertises spécifiques. Rapidement, elle démantèle plusieurs réseaux transfrontaliers qui fabriquent les produits contrefaits en Jordanie et en Égypte et les écoulent en Syrie comme pays de transit, avant de les commercialiser en Irak. Ce pays constitue le plus grand marché des médicaments dans le Moyen-Orient depuis que les Irakiens importent la plupart de leurs médicaments de l’étranger avec la mise en place de l’embargo puis la guerre d’invasion.
Après une enquête minutieuse de six mois, les services anti-fraude syriens ont fini par arrêter plus de soixante-dix personnes impliquées dans les réseaux mafieux. Ils ont saisi de grandes quantités de médicaments contrefaits, particulièrement ceux administrés aux patients – des enfants en grand nombre, atteints de maladies incurables et rares. Ce coup de filet a été salué par un responsable d’une entreprise pharmaceutique européenne comme une opération qui a permis de sauver d’une mort certaine plusieurs milliers d’enfants malades. Elle a été baptisée « cadeau de la Fête des mères » car elle a eu lieu le 21 mars 2009, date qui correspond à la Fête des mères au Proche-Orient.
Mais le coup de filet ne s’est pas limité à la Syrie. Parmi les malfrats arrêtés par les services syriens, se trouvait le Jordanien Raed Abou Merkhiyeh, le cerveau du réseau transfrontalier, qui a donné le nom de ses correspondants en Jordanie, Égypte, au Liban, en Irak, Iran et Turquie. Ils seront tous arrêtés. Pour les firmes pharmaceutiques européennes, l’arrestation de Raed Abou Merkhiyeh est un « exploit » sans précédent dans la région qui a mis fin à une réalité terrible. Le trafic criminel qu’il conduisait a en effet été responsable de la mort de milliers d’enfants irakiens et de milliers de patients dans un certain nombre de pays du Proche-Orient, mais aussi en Afrique.
À la suite du démantèlement de ces réseaux, les autorités syriennes ont mis en place un comité pluridisciplinaire et impliquant plusieurs ministères : Justice, Santé et Douanes. Ce comité a soumis une proposition de loi coercitive pour combattre le commerce et la fabrication de médicaments contrefaits. En moins d’un an, la loi a été entérinée par un décret présidentiel publié en 2010. Elle est actuellement en vigueur.
La coopération entre la Syrie, plusieurs pays concernés par la contrefaçon de médicaments et les firmes pharmaceutiques européennes (notamment Sanofi-Aventis et Novartis) a conduit les Syriens à identifier un réseau très actif en Cisjordanie, territoire dirigé par l’Autorité palestinienne mais en fait occupé par Israël. Le cerveau de ce réseau, le pharmacien canadien d’origine palestinienne, approvisionnait en médicaments un hôpital à Naplouse où travaillent de nombreux bénévoles européens et américains.
Alertées dès 2009 par les services anti-contrefaçon syriens et les services de sûreté des firmes européennes et du RCMPau Canada, les autorités palestiniennes n’ont agi qu’au début 2011 en inculpant le chef présumé du réseau. Elles n’ignoraient pas que cet homme, visiblement « trop protégé », était impliqué dans la commercialisation de médicaments contrefaits pour les patients atteints de leucémie. Mais les territoires occupés ne sont pas encore dotés d’un cadre juridique clair permettant d’arrêter ce trafiquant.
Au Canada, il y a également une confusion juridique car, selon la loi en vigueur sur ce territoire, le trafiquant ne relève que d’une infraction commerciale dans la mesure où il ne s’agit que d’une contrefaçon. Ce qui fait que le principal réseau connu et identifié au Proche-Orient est encore opérationnel et son dirigeant coule des jours tranquilles en Cisjordanie en attendant son procès. Malgré le caractère odieux de son trafic qui fauche la vie de milliers de malades chaque année, il n’est encore assimilé qu’à un fraudeur commercial !
La communauté internationale, prompte à se mobiliser pour des causes politiques discutables, peine à se doter d’une législation anti-contrefaçon vraiment coercitive dans le domaine de la santé. Pourtant, ce fléau n’épargne personne. À titre indicatif, déjà 15 % des médicaments en circulation en Europe seraient contrefaits et 50 % de ceux vendus sur des sites Internet, dont certains de façon tout ce qu’il y a de plus légal. La France reste pour l’instant épargnée en raison d’un système de distribution toujours très contrôlé. Ce qui n’empêche pas les saisies de se multiplier aux douanes en Europe. À plusieurs reprises, à l’aéroport de Roissy, en France, et dans le reste de l’Union européenne (UE), 2,7 millions de produits pharmaceutiques contrefaits ont été interceptés en 2006.
Il faut croire que l’UE considère encore les pays du Sud comme des parias. Pourtant, plutôt que d’imposer des sanctions économiques, y compris dans le domaine de la santé, elle serait bien inspirée de coopérer avec ces pays pour barrer la route à un commerce qui fauche chaque année des millions de vies à travers le mond